balado conscient

é169 joan sullivan et robin servant - voie de disparition

Episode Notes

Mon premier point de contact avec l’artiste écologique Joan Sullivan était en 2020 dans l’épisode é02 éveil - éclater ma bulle de dénie de ce balado où je la cite un de ses écrits : 

J’ai ensuite eu une conversation en 2021 avec Joan dans le cadre de l’épisode e96 – the liminal space between what wasand what’s next du conscient podcast où elle est un peu plus optimiste:

J’ai eu le plaisir de renouer avec Joan le dimanche 21 septembre 2025 à Gatineau, Québec pour entendre ce qui nous attend de l'autre côté mais j’ai aussi rencontré l’artiste sonore Robin Servant et nous avons parlé de leur très belle collaboration, La voix des glaces, une installation participative qui vise à immerger le public au cœur des enjeux environnementaux par le biais d’une approche poétique de trois sens : la vue, l’ouïe et le toucher qu’ils ont présenté au NAISA North Media Arts Centre à South River, Ontario. 

Une œuvre troublante et merveilleuse. J’ai été particulièrement touché par leur invitation à imaginer ce que la glace fluviale en voie de disparition essaie de nous dire.

Notes d’épisode generée par l’IA Whisper Transcribe

Points d’action

Aperçu de l'histoire

Imaginez les glaces du fleuve Saint-Laurent murmurant leurs derniers mots. Les artistes Joan Sullivan et Robin Servan vous invitent à les écouter à travers leur installation artistique collaborative, un appel à l'action.

Résumé des chapitres

00:00 Pessimisme et création artistique
02:25 Le rôle des artistes
05:51 Travailler avec l’altérité
06:56 Le projet ‘La voix des glaces’
08:57 L’Expérience Interactive de l’Œuvre
11:17 L’Empathie: la porte vers l’engagement
12:47 Recommandations et collaboration

Citations

Derrière l'histoire

La voix des glaces est né des photographies de Joan représentant le fleuve Saint-Laurent et des enregistrements sonores de Robin, qui capturent l'essence même de l'hiver. Après un hiver presque sans glace, le projet s'est orienté vers le changement climatique et la perte. L'exposition connecte le public à l'environnement à travers une expérience tactile unique.

Merci à Robin Servant pour l'extrait de la bande son 'La voix des glaces'. 

Episode Transcription

Transcription 

Remarque : il s'agit d'une transcription automatique fournie pour ceux qui préfèrent lire cette conversation et à des fins de documentation. Elle a été vérifiée mais n'est pas tout à fait exacte à 100 % (certains noms peuvent ne pas être tout à fait exacts). Veuillez me contacter si vous souhaitez citer cette transcription : claude@conscient.ca

[00:00:00 - 00:00:12] Claude Schryer

Quand j'ai commencé le balado au conscient, je t'ai cité. Puis tu as dit, entre autres, même si nous sommes condamnés, et je pense que nous le sommes, je refuse de ne rien faire. Où est-ce que tu en es maintenant?

[00:00:12 - 00:00:41] Joan Sullivan

Il faut être pessimiste. Il faut avoir un peu de pessimisme et c'est ça qui me réveille le matin. C'est ça qui m'inspire à continuer ma bataille. Ce n’est pas une bataille contre le climat, c'est une bataille contre l'inaction. Moi, je crée parce que je dois exprimer mon angoisse. Et c'est la création qui est thérapeutique finalement pour moi. Ça me donne l'optimisme, même si je suis très pessimiste.

[00:00:42 - 00:00:59] Robin Servant

C'est facile de se dire que ça va mal et que je ne peux rien changer. Mais à un moment donné, on prend des actions et il faut accepter de dire oui. dans ce monde-là, malgré tout.

[00:00:59 - 00:02:30] Claude Schryer

Mon premier point de contact avec l'artiste écologique Joan Sullivan était en 2020, dans l'épisode 2, dans le cadre de ce balado où je cite un de ses écrits que vous venez d'entendre. J'ai ensuite eu une conversation avec Joan en 2021, dans le cadre de l'épisode 96 du conscient podcast, où elle était un peu plus optimiste. Nous sortirons de cette situation. Personne ne sait comment, mais nous passerons à travers. C'est inévitable. Et ce qui nous attend de l'autre côté dépend de nous. Alors j'ai eu le grand plaisir de renouer avec John le dimanche 21 septembre 2025 à Gatineau, Québec.

Et j'avais bien hâte d'entendre ce qui nous attend peut-être de l'autre côté. Mais j'ai aussi pris l'occasion de rencontrer son collaborateur, l'artisanat Robin Servan, et nous avons surtout parlé de leur projet La Voix des glaces, une installation participative qui vise à émerger le public au cœur des enjeux environnementaux, et j'ai été particulièrement touché par leur invitation à imaginer ce que la glace fluviale, en voie de disparition, essaie de nous dire. 

[00:02:32 - 00:03:32] Robin Servant

Le rôle de l'art, je ne sais pas s'il aura un rôle, mais pour moi, j'ai besoin que ça existe dans ma vie à moi. Je présume que ça fait du bien à d'autres gens que ça existe aussi. Les périodes de crise, c'est des périodes où il y a des gros changements, il y a des grosses forces qui bougent, puis ça crée des opportunités de percevoir les choses différemment. Ça crée des fractures, puis ça fait apparaître des choses qui n'étaient pas là avant. Il y a des apparitions plus heureuses que d'autres, il y en a d'autres plus dangereuses que d'autres. on deal avec des nouvelles réalités. Mais au travers de ça, en tout cas, je pense que l'art est quelque chose qui nous aide à voir puis à focusser notre regard sur… qui donne des perspectives.

[00:03:32 - 00:03:34] Claude Schryer

Et toi, Joan?

[00:03:36 - 00:05:52] Joan Sullivan

En tout cas, l'art et les artistes ont joué un rôle depuis le début de notre civilisation. On parlait hier dans la voiture, les fous du roi jouaient un rôle critique pour dire littéralement en face du roi les faits, mais toujours avec une certaine poésie ou jeu de mots. et justement la poésie de Dylan, de Lennon, tout ça nous a aidé à traverser beaucoup de périodes de crise. Donc, ce n’est pas nécessaire que la crise aujourd'hui ici si grave ou si urgent, mais je pense que le problème est cette désinformation. Comment un artiste peut briser la situation actuelle qu'on ne croit plus à, ni un politicien, ni un artiste, ni un journaliste? Est-ce que les artistes peuvent vraiment faire ça seuls? Je ne pense plus. Oui, on a un rôle à jouer, mais je pense que tout le monde a un rôle à jouer. Tout le monde. Les parents, les professeurs, les policiers. Tout le monde doit faire quelque chose. Je ne veux pas juste laisser ce rôle important aux artistes, mais à travers la collaboration, par exemple. Robin et moi collaborons, musiciens, artistes sonores et artistes visuels. Je collabore avec les scientifiques à l'UQAR. Même l'idée de trouver une façon d'entrer des vies des autres que la nôtre. Je pense que ça, c'est ce qu'un artiste peut faire. Tu vas trouver une façon d'être plus empathique avec les autres. Soit notre artiste, soit notre voisine, voisin, même les immigrants. Je pense que c'est ça qui manque dans la vie de tout le monde, pas juste les artistes. Comment vivre dans la peau des autres pour arriver à plus sages.

[00:05:52 - 00:06:45] Robin Servant

On n'est pas les seuls qui travaillent avec l'altérité, mais les artistes, on est vraiment habitués de travailler avec l'altérité de quelque chose qu’on ne sait pas exactement c'est quoi, puis découvrir quelque chose dans le travail, puis je pense que ça nous aide, tu sais, ce rapport-là qu'on a à... des matières inconnues avec lesquelles on travaille ou on ne sait pas exactement comment... Moi, je vois toujours mon travail comme si j'ai un casse-tête à faire, mais j'ai pas l'image qu'il y a sur la boîte, puis il faut que je découvre le casse-tête en le faisant. Bien, cette capacité-là de découvrir en le faisant, c'est comme vraiment utile quand il faut trouver notre chemin puis il faut trouver des nouvelles solutions.

[00:06:45 - 00:07:10] Claude Schryer

Improviser, créativité, tout ça. J'aimerais que vous me parliez de votre projet que vous allez faire avec mon collègue Darren Copeland à NAISA. C'est quoi le projet que vous faites dans son ordre?

[00:07:10 - 00:08:49] Robin Servant

L'expo qu'on s'en va faire, ça s'appelle La Voix des glaces et c'est une installation où il y a de la photo et de l'audio. Puis c'est des photos que John a prises sur le bord du fleuve l'hiver, puis c'est créé à partir de sons que moi j'ai enregistré sur le bord du fleuve l'hiver. Moi et John, on reste au Bic puis à Saint-Valérien, pas loin. Ça fait qu'on est sur le bord du fleuve qui est pas mal large. Et c'est une expo où on est invité à écouter ce que la glace veut nous dire ou peut encore nous dire. Moi, j'ai fait la prise de son de ce projet-là. Quand on a eu l'idée, je me suis dit, OK, c'est l'hiver, je vais y aller, les glaces sont belles, je vais profiter de l'événement. Heureusement que j'ai fait ça, parce que l'année suivante, où on a vraiment plus structuré, puis que l'exploit était accepté à un centre d'artistes qui s'appelle Vastevag, il n'y avait plus de glace. Cet hiver-là, il n'y a pratiquement pas eu de glace. Donc, c'est la première fois que moi, j'étais confronté à... un élément de paysage sonore que je me disais, ah, il va peut-être plus arriver ou il va peut-être plus être là. Puis t'sais, j'ai déjà fait d'autres pièces sur les sons d'hiver parce que j'aime les sons d'hiver. Puis là, c'est la première fois que je me disais, ah, peut-être qu'il y a des éléments du paysage sonore qui sont en train de se transformer, de disparaître.

[00:08:49 - 00:08:57] Claude Schryer

Dont le propos essentiel du projet, je crois, parlait du changement climatique et des choses qui disparaissent.

[00:08:58 - 00:09:20] Joan Sullivan

Oui, et pour moi l'objectif n'est pas juste de collaborer avec Robin, un artiste sonore, mais de trouver une façon pour inviter le public à s'impliquer dans l'œuvre. En fait, c'est eux qui vont déclencher les enregistrements de Robin en touchant mes photos. Mais comment toucher une photo? D'abord, c'est...

[00:09:20 - 00:09:23] Claude Schryer

On touche un micro, c'est pas simple.

[00:09:23 - 00:10:12] Joan Sullivan

Mais dans une galerie, il ne faut pas toucher les œuvres. Et donc, je voulais vraiment changer la formule et que les gens, d'abord, ils entrent. L’oeuvre et puis il touche le texte en braille que j'avais embossé sur une vingtaine de photos. Donc on a embossé ça à un gramme à Québec. Puis on a créé les sculptures photographiques en triangle, donc c'est des triptyches. À trois côtés de mes photos, avec la braille, tu peux expliquer, Robin, comment tu as mis les senseurs à l'intérieur, mais les gens viennent, ils touchent la braille, c'est symbolique, évidemment, et puis tu entends la voix de glace que Robin a enregistrée.

[00:10:12 - 00:11:18] Robin Servant

Parce que quand on rentre dans la galerie, puis si on fait juste un tour de galerie typique, on regarde les œuvres puis on se promène dans la galerie. Ce qu'il y a comme paysage sonore, c'est des gens qui lisent les mêmes phrases qui sont embossées. Puis, bien, il y a des hommes, des femmes, des enfants, des voix en français, en anglais, en micmac. C'est vraiment pas le fun et rassurant. Si tu restes dans ton inaction, disons, c'est super anxieux. Je n'ai jamais eu de cas pour moi, là. Mais de prendre l'action puis de toucher les photos, là, on fait apparaître quelque chose de fascinant de démesurément gros, de complètement différent. Pis là, OK, mon action, si je prends une action, je découvre un nouveau monde. Donc, cette invitation-là à un petit geste tout simple qui nous fait découvrir quelque chose d'immensément gros dans cette oeuvre-là, disons.

[00:11:18 - 00:11:46] Joan Sullivan

Que... Et c'est cette altérité, écouter ce qu'un autre être, je considère le fleuve Saint-Laurent un être, ce que la glace veut nous dire, ce que les autres espèces veulent nous dire. Cette petite action de toucher la photo, comme il l'a dit, c'est vraiment minime, mais ça ouvre une porte vers peut-être un engagement plus vaste, plus large. On espère quand même.

[00:11:47 - 00:11:54] Claude Schryer

Comment est-ce que cette œuvre-là va changer quelque chose dans la vie des gens qui y touchent physiquement?

[00:11:54 - 00:12:45] Joan Sullivan

On ne peut rien garantir et ce n'est même pas à nous de dire aux autres quoi faire, quoi ressentir, quoi penser. Mais je répète le mot l'empathie, si on devient de plus en plus habile à écouter les autres. pas seulement nos entourages, mais les autres espèces. C'est ça qui m'intéresse beaucoup. J'ai fait une autre œuvre, dernièrement, sur les arbres qui ont brûlé dans le Grand Nord en 2023. Qu'est-ce que les arbres auraient aimé dire avant de mourir? Qu'est-ce que la glace veut nous dire avant de disparaître en permanence? La seule chose que nous pouvons demander au public est d'être plus empathique. Je pense qu'on n'a pas le droit de dire plus que ça.

[00:12:48 - 00:13:13] Robin Servant

On a quand même la chance d'être dans une petite ville où on peut avoir accès à des scientifiques qui travaillent sur l'océanographie, les changements climatiques, la glace. Puis d'avoir ces rencontres-là entre artistes et scientifiques et de jaser de nos différents enjeux, moi c'est tellement fécond pour moi.

[00:13:14 - 00:13:33] Claude Schryer

Je termine toujours l'émission, ces petites émissions de 15 minutes, avec des points d'action. Qu'est-ce que vous avez comme recommandations? T'as parlé d'empathie, Joan, mais qu'est-ce que les gens peuvent faire qui écoutent une émission comme celle-là aujourd'hui pour être plus dans l'action?

[00:13:37 - 00:14:30] Joan Sullivan

Une question difficile, mais je retourne à l'idée de la collaboration. On ne peut pas tout faire une personne pour changer la situation de crise, soit écologique, climatique, politique, démocratique. On a besoin de la collaboration avec les autres et on est devenu trop isolé. Chacun dans leur petit iPhone, chacun dans leur bloc appartement. Je pense que c'est essentiel de sortir de nos zones de confort et de, je ne sais pas comment dire ça en français, mais de « walk across the aisle » et de chercher quelqu'un différent de toi, parler, comprendre, vivre dans leur peau. Peut-être que c'est pour moi l'action la plus importante. chercher une nouvelle vision, un nouvel langage pour décrire la situation actuelle.

[00:14:31 - 00:14:58] Robin Servant

Moi, étant donné que je suis musicien, mon premier réflexe, c'est toujours d'essayer d'établir une communication avec une autre personne, puis de jouer avec cette communication-là. Puis on a besoin de changement, on a besoin de transformer collectivement qu'est-ce qu'on fait. Mais cette transformation-là, si elle se fait pas dans le jeu, dans le plaisir, puis l'écoute, puis l'altruisme, ça marchera pas.